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Assurance emprunteur : la résiliation à tout moment va-t-elle enfin voir le jour ?
10 ans de lois successives en faveur du libre choix de l’assurance emprunteur n’ont pas suffit à libéraliser ce marché, toujours détenu par les banques dont les manœuvres dilatoires ont pourtant été maintes fois dénoncées. Face à ce constat, une nouvelle proposition de loi vient d’être déposée par le groupe Agir avec pour ambition de lever les barrières à la libéralisation de ce marché et de favoriser le libre choix de l’assurance emprunteur pour tous. Elle repose sur l’élargissement de la résiliation infra annuelle au-delà de la première année du crédit et s’accompagne de mesures fortes pour simplifier le changement d’assurance emprunteur et sera sera examinée à l'Assemblée Nationale le 25 novembre prochain.
L’assurance emprunteur : un marché captif des banques
Le marché de l’assurance emprunteur représente 7 milliards d’euros de primes annuelles en France dont 88 % sont détenus par les banques1 dont les produits sont fortement margés, pour des garanties parfois limitées.
En changeant son assurance pour un contrat en dehors de sa banque, un emprunteur peut facilement économiser plusieurs milliers d’euros sur la durée du crédit, tout en conservant de bonnes garanties.
C’est pourquoi, depuis plus de 10 ans, le législateur est intervenu à plusieurs reprises afin d’ouvrir le marché de l’assurance de prêt en confirmant le libre choix de cette assurance tant au moment de la souscription du crédit (loi Lagarde), qu’une fois celui-ci signé (loi Hamon, Amendement Bourquin).
Force est de constater que malgré ces textes, le marché de l’assurance emprunteur ne s’est pas libéralisé et que la concurrence reste entravée par les banques, notamment du fait de procédures complexes et de manœuvres dilatoires visant à retenir les clients.
La résiliation infra annuelle de l’assurance emprunteur comme solution
Face à ce constat, l’idée d’une résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur était apparue dans les débats autour de la loi ASAP en novembre dernier mais n’avait finalement pas abouti.
Interrogée par Moneyvox lors de la loi ASAP, la députée Patricia Lemoine qui était l’instigatrice de l’amendement en question avait alors prévenu qu’elle n’avait pas l’intention de baisser les bras sur ce sujet car il revêt un réel enjeu de gain de pouvoir d’achat pour les français.
C’est pourquoi, avec son groupe Agir Ensemble, la députée vient de déposer une nouvelle proposition de loi visant à « garantir la transparence et la simplification du marché de l’assurance-emprunteur immobilier ».
Nouvelle tentative pour le libre choix de l’assurance emprunteur
L’exposé des motifs parle d’une « situation figée » et regrette que les précédentes lois pour faciliter le libre choix de l’assurance de prêt n’aient pas eu l’effet escompté et que « l’applicabilité réelle de ces droits reste bien souvent relative », privant les emprunteurs d’économies substantielles.
Toujours selon l’exposé des motifs de cette proposition de loi, le changement d’assurance emprunteur permettrait de réaliser une économie potentielle allant « de 5 000 à 15 000 euros (selon les modalités du crédit couvert) pour chaque dossier d’emprunt immobilier sur toute la durée du prêt. ».
L’objectif de cette nouvelle proposition de loi sur l’assurance emprunteur est de « garantir définitivement la liberté de choix des français relative à leur assurance-emprunteur, tout en encadrant strictement le marché de celle-ci. ». Et par la même, de redonner plusieurs milliards d’euros de pouvoir d’achat aux 7 millions de foyers détenteurs ayant un crédit immobilier.
Un dispositif complet pour simplifier les démarches de changement d’assurance emprunteur
La nouvelle proposition de loi en faveur du libre choix de l’assurance emprunteur repose sur un dispositif complet visant à faciliter les démarches et à mettre un terme définitif aux pratiques actuelles de rétention des assurés. Il ne s’agit pas seulement d’étendre la possibilité de résilier à tout moment les contrats d’assurance de prêt immobilier après la première année de souscription mais aussi de prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre réellement effectif le libre choix de cette assurance. Découvrez ci-dessous le détail des mesures proposées.
L’article 1er propose « d’ouvrir la possibilité de résilier sans frais et à tout moment, après la première année de souscription, les contrats d’assurance-emprunteur pour des crédits immobiliers. ».
Ainsi, la possibilité de changer d’assurance emprunteur à tout moment, déjà possible jusqu’à 11 mois et 15 jours après la signature de l’offre de prêt grâce à la loi Hamon, serait étendue au-delà de cette période et valable tout au long du remboursement du crédit. Autrement dit, l’emprunteur pourrait substituer son assurance de prêt quand il le souhaiterait, sans échéance ou préavis à respecter.
L’article 2 « a pour objectif de rendre plus transparentes les décisions de refus de substitution d’assurance » et précise que « Toute décision de refus doit être explicite et comporter l’intégralité des motifs de refus. ».
Dans sa dernière étude2, SECURIMUT dénonçait les mesures dilatoires des banques les plus fréquentes et indiquait que « Malgré l’envoi de l’ensemble des documents nécessaires, à peine plus de 40% des demandes de changement d’assurance emprunteur font l’objet d’une réponse unique et complète par la banque. ». Ce qui leur permet de retarder leur réponse pour essayer de retenir les emprunteurs par des mesures dilatoires décourageantes ou par le biais de contre-propositions tarifaires.
L’article 3 vise « à renforcer fortement les sanctions administratives dans les cas où les prêteurs et assureurs tentent d’induire leurs clients en erreur, de ne pas leur répondre ou de le faire hors délai. ».
En cas de non-respect des obligations légales (réponse sous 10 jours ouvrés, refus explicite et comportant l’intégralité des motifs…), la banque encourt une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros3.
L’article 4 vise à supprimer le besoin d’éditer un avenant au contrat de prêt pour matérialiser le changement d’assurance. L’émission d’un tel avenant n’apporte pas d’information complémentaire à l’emprunteur, complexifie la procédure de substitution en rajoutant un délai de dix jours de réflexion à la suite de sa signature, ce qui dans de nombreux cas peut conduire à des doubles prélèvements d’assurance.
Dans son étude de Juillet 20214, SECURIMUT dénonçait justement l’avenant comme étant « l’étape la plus incertaine pour faire aboutir la substitution » car les délais d’émission des avenants n’étaient que « très peu respectés » et que « le nombre d’avenants non-reçus semble trop important pour être réel » … Ce qui entraine des problématiques de double-prélèvements par l’assurance bancaire et la nouvelle assurance.
SECURIMUT expliquait, par ailleurs, que si l’avenant pouvait être utile dans le cas d’une renégociation de crédit, il perdait tout son intérêt en cas de changement d’assurance emprunteur, les indicateurs (TAEG et TAEA) actualisés n’étant pas comparables aux indicateurs initiaux.
L’article 5 vise d’une part à délier dans les faits l’assurance du crédit en dissociant l’assurance du taux annuel effectif global (TAEG), pour l’exprimer au sein du taux annuel effectif assurance (TAEA). L’information du prix de l’assurance est mieux assurée par le ce dernier, et cette dissociation permet d’effectuer une substitution d’assurance sans nécessiter d’avenant au contrat de prêt pour recalculer le TAEG. De plus, les établissements bancaires intègrent actuellement une partie seulement de l’assurance vendue au sein du TAEG et n’ont pas les mêmes pratiques concernant la partie obligatoire de cette assurance comprise dans ce taux.
D’autre part, cet article vise à faire intégrer dans l’offre de prêt de la banque les garanties qu’elle exige en couverture du prêt puisque ce prêt est accordé sous condition suspensive de cette assurance.
Récemment, SECURIMUT a diffusé un communiqué de presse intitulé « le TAEG, un indicateur manipulable et trompeur pour les consommateurs »5 afin de sensibiliser l’opinion publique aux dérives des banques qui n’hésitent pas à exclure la moitié du coût de l’assurance emprunteur du TAEG, faussant ainsi cet indicateur afin de mettre en valeur leur offre de financement.
SECURIMUT milite également pour une meilleure information de l’emprunteur, et estime également qu’il « est indispensable d’ajouter dans l’offre de prêt - et non plus uniquement dans les informations précontractuelles comme c’est le cas à ce jour – le détail des garanties obligatoires et optionnelles, leurs coûts respectifs, le TAEA ainsi que le rappel sur la législation en matière d’assurance emprunteur et son libre choix. »
L’article 6 précise que la mesure entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi. Ce délai permettra de concerter puis préparer sa mise en œuvre avec les acteurs du secteur.
Selon Isabelle Delange, Présidente de SECURIMUT : « SECURIMUT a toujours milité en faveur de l’ouverture du marché de l’assurance emprunteur à la concurrence, au bénéfice des consommateurs mais constate que, malgré 10 ans de lois pour libéraliser ce marché, les banques tentent par tous moyens de freiner les emprunteurs qui souhaitent substituer leur assurance. C’est pourquoi il convient de veiller à la capacité effective de nos concitoyens d’exercer les droits qui leur ont été accordés par la loi en simplifiant les process actuels, trop complexes. Il est également primordial d’améliorer l’information des emprunteurs, tant sur les tarifs que sur les garanties souscrites.
En associant la résiliation infra annuelle tout au long du crédit à des mesures plus opérationnelles, cette nouvelle proposition de loi sur la transparence et la simplification du marché de l’assurance-emprunteur immobilier répond à ces enjeux. Nous espérons donc que cette loi soit adoptée dans sa globalité, sans quoi elle risquerait de perdre en efficacité face aux banques qui savent si bien contourner les lois dès lors y détectent une brèche, aussi subtile soit elle. »
Téléchargez la proposition de loi sur le site de l’Assemblée Nationale : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4453_proposition-loi.pdf
- Bilan du CCSF sur l’assurance emprunteur, novembre 2020 : 87,6% des contrats
- https://www.securimut.fr/etude-securimut-2021-evolution-depuis-2020.html
- « Art. L. 341-26-1. – Le fait pour le prêteur de ne pas respecter l’une des obligations prévues au dernier alinéa de l’article L. 313-8 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. »
- https://www.securimut.fr/etude-securimut-2021-evolution-depuis-2020.html
- https://media.securimut.fr/media/20210506-CP-SECURIMUT-TAEG.pdf