Depuis 10 ans le législateur tente d’ouvrir le marché de l’assurance emprunteur mais, malgré les différentes lois en faveur du libre choix de cette assurance, les professionnels comme les particuliers rencontrent toujours beaucoup de difficultés pour faire valoir ce droit. Les banques sont régulièrement dénoncées pour empêcher le changement d’assurance emprunteur, comme le prouve la mise en demeure des courtiers adressée au gouvernement en janvier dernier, ou plus récemment, l’action de groupe d’UFC Que Choisir contre LCL pour « entrave à la concurrence ». C’est pourquoi le gouvernement a voulu faire le point sur ce dossier pour tenter de trouver des solutions et a commandé un rapport au Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF). Mais ce rapport qui vient de sortir ne reflète pas la réalité du marché telle que SECURIMUT, la filière dédiée du groupe Macif, l’observe au quotidien.
L’amalgame entre contrats « alternatifs » et « contrats défensifs »
La présentation du marché par le CCSF pourrait induire en erreur les lecteurs non avertis… Le Comité explique que « la concurrence est en marche » et considère que « la part des contrats alternatifs […] ne cesse de progresser. »1, l’établissant à « 25 % des contrats » d’assurance emprunteur.
Pour obtenir ce chiffre - qui va à l’encontre de tous les constats des experts-, le Comité a regroupé sous l’appellation de contrats "Alternatifs", à la fois les contrats des assureurs externes mais aussi les contrats d'assurance alternatifs internes, c'est-à-dire ceux qui sont distribués par les banques elles-mêmes lorsqu’elles n’arrivent pas à placer leur contrat standard ! Ces contrats, généralement appelés « défensifs », représentent plus de la moitié de ces 25 %.
Si on enlève la part des contrats bancaires qui pèsent 13,1 % de la production de nouveaux contrats, on obtient un taux réel de 12,4 % de contrats alternatifs, ce qui n’a pas évolué depuis plus de 10 ans. Cela donne l’illusion d’une concurrence significative, alors que l’assurance emprunteur est plus que jamais un quasi-monopole bancaire avec 87,6% des contrats vendus en 2019.
Et si les assureurs alternatifs externes venaient à sortir du marché, ces contrats « défensifs » ou « alternatifs internes » tels qu'ils sont nommés dans le rapport, disparaîtraient aussitôt, les banques n’ayant plus aucun intérêt à les conserver.
Une baisse des prix inégale entre les contrats
La presse a largement relayé la bonne nouvelle annoncée dans le communiqué de presse d'annonce du rapport envoyé par le CCSF : les tarifs des contrats d’assurance emprunteur ont baissés, sur toutes les cibles d’emprunteurs, avec des baisses allant de 10 % à 40 % !
Mais, à la lecture du rapport, on découvre vite que « cette analyse porte uniquement sur des contrats alternatifs externes »2 (soit 12,5 % du marché), mais que les banques ont précisé que leurs contrats défensifs avaient subis les mêmes baisses, sans apporter de preuve chiffrée…
S’il est vrai que les tarifs de l’assurance emprunteur ont globalement baissé, c’est bien sous l'impulsion des assureurs alternatifs qui ont révisé leurs tarifs à la baisse plusieurs fois au cours des dernières années.
En parallèle, les contrats bancaires standards n’ont pas tous suivi cette tendance et que les baisses de tarifs ont profité aux plus jeunes, tandis que les emprunteurs plus âgés (au-delà de 55 ans) « ont vu leur tarif augmenter jusqu’à +33 %. ».
Le changement d’assurance emprunteur freiné par les banques
Le CCSF note tout de même « des difficultés opérationnelles »3 pour changer d’assurance emprunteur mais disculpe aussitôt les banques : difficultés de gestion, délais « très contraints », technicité du produit… Quant à l’absence d’information, qui semble être le problème le plus récurrent, les banques estiment que c’est à l’emprunteur « d’assurer le bon dialogue avec ses interlocuteurs ».
Et lorsque les courtiers dénoncent les quotas imposés par les banques et la pression qu’ils subissent, le comité ose parler « d’accords entre la banque et les courtiers limitant les possibilités de recours à la délégation » ! Ceci laisse penser que ces quotas seraient la norme alors qu’ils sont contraires à la loi qui permet à l’emprunteur de choisir son assurance de prêt.
Les banques tentent de dissuader les emprunteurs de changer leur assurance de prêt par de nombreuses méthodes, plus ou moins régulières. La méthode dilatoire la plus fréquente reste les réponses tardives (50 % des réponses hors délais, selon l’étude de SECURIMUT – Juillet 2020), suivie par les réponses incomplètes (seules 40 % des demandes font l’objet d’une réponse unique et complète de la banque), voire les non-réponses (près de 25 % des demandes), alors que la loi exige une réponse sous 10 jours ouvrés à toute demande de substitution. 4
Bien souvent les banques ne respectent pas la législation en vigueur et ne sont pour autant jamais inquiétées.
Malgré plus de dix années de travail législatif en faveur du libre choix de l’assurance emprunteur, les banques sont toujours en situation de quasi-monopole puisqu'elles détiennent près de 88 % du marché. L’arrivée des assureurs alternatifs a permis de faire baisser les tarifs, tout en améliorant le niveau de garanties des contrats, mais leurs parts de marché stagnent. Pour retenir leurs clients, les banques usent de méthodes plus ou moins loyales : contre-offres tarifaires, contrats « défensifs », quotas imposés aux courtiers, mesures dilatoires, défaut de communication, non-respect des délais légaux… Et s’il est difficile pour les professionnels, assureurs et courtiers, de réaliser le changement d’assurance emprunteur pour leurs clients, cela reste presque impossible pour un emprunteur seul face à sa banque.
Mais ce rapport officiel, émis par le CCSF, minimise cette complexité et parle d’une « concurrence en marche », sans apporter aucune amorce de solution pour améliorer les « difficultés opérationnelles ».
Tant que les banques continueront à mettre des bâtons dans les roues aux emprunteurs qui souhaitent changer leur assurance de prêt, Macif continuera de proposer son mandat de mobilité et de prendre en charge, pour le compte de ses clients, l’ensemble des opérations de changement d’assurance avec les banques.
1. Source : communiqué de presse du CCSF – le rapport indiquant précisément page 17/18 « la part de contrats alternatifs dans les ventes d’assurance emprunteur, qu’ils soient proposés par des banques (contrats alternatifs internes) ou par des assureurs externes ou courtiers (contrats alternatifs externes) progresse régulièrement sur la période 2017-2020, pour atteindre 25,5 % de la production annuelle. »
2. Source : Rapport du CCSF page 24 « La baisse des prix observée depuis 2010 sur le marché de la délégation et de la substitution d’assurance concerne l’ensemble des profils assurés : tranches d’âge, sélection fumeur/non-fumeur (représentés graphique 10), ou encore catégorie socio-professionnelle :
- une baisse tarifaire mesurée entre 20 % et 41 % dont bénéficient tous les assurés ;
- une baisse tarifaire moyenne de 29 % sur les garanties DC/PTIA + ITT-IPT ;
- une baisse tarifaire moyenne de 33 % sur les garanties DC/PTIA seules.
Notons que cette analyse porte uniquement sur des contrats alternatifs externes, les informations transmises concernant les contrats alternatifs bancaires n’étant pas suffisamment représentatives, elles n’ont pas été reprises dans cette partie de l’étude. Néanmoins, les représentants du secteur bancaire ont précisé que, ces contrats se positionnant en concurrence directe avec les contrats alternatifs externes, leur niveau de prix et leurs évolutions sont comparables au regard du choix des consommateurs se portant sur les uns ou sur les autres. »
3. Source : Rapport du CCSF page 39 « Ces verbatims qualitatifs et non documentés en termes statistiques mais récurrents, mettent en avant des difficultés ressenties par les assureurs, les agents généraux d’assurances mandataires de ces derniers et les courtiers dans le processus global de souscription, et qui sont de nature à freiner leurs gains en termes de parts de marché, notamment au regard des coûts d’investissements nécessaires pour les gagner. […] Les acteurs bancaires, pour leur part, au regard des réponses apportées au questionnaire, mettent en avant le caractère subjectif des réactions par nature extrêmes, qui ne s’appuient pas sur des éléments objectifs et mesurables et indiquent que les difficultés relevées sont aujourd’hui résiduelles. »
4. Source : étude Securimut Juillet 2020